Bonjour,
Étant cité dans votre numéro 67, dans l’article « Le RER encore une fausse solution », le collectif pour la gratuité des transports publics a souhaité apporter ses éléments de réflexion.
Rien ne prouve votre affirmation « le RER parisien a permis avant tout à la ville de s’étendre et aux employés d’avoir la joie d’habiter à deux heures de transport de leur lieu de travail », ni ne permet de généralisations comme vous le faites. « avant tout » se discute, car très souvent l’augmentation du nombre de voitures et l’étalement urbain ont précédé le développement des transports collectifs. En 2018 en île de France, il y a 15 millions de déplacements en voitures et 10 millions de déplacements en transports collectifs, en 1976 ces chiffres étaient respectivement 10 millions et 5 millions. C’est donc la voiture qui est en tête, nettement devant les transports collectifs. Les exemples abondent de villes qui s’étendent énormément avec des transports collectifs inexistants ou insuffisants. Une ville comme Lagos au Nigéria en est l’illustration : la ville s’est massivement développée d’abord, la ville est congestionnée avec des transports collectifs pendant longtemps quasi-inexistants et aujourd’hui toujours très insuffisants . On pourrait aussi citer le cas de Los Angeles où croissance industrielle, croissance démographique et développement de la voiture et des autoroutes sont allés de pair, avec des transports en commun très faibles (10% des déplacements).
Le raisonnement « développer les transports collectifs provoque le développement des métropoles » revient en fait à faire payer aux populations une situation qu’elles subissent. « Arrêter d’être attractifs » ne dit rien de ce qu’il faut faire concrètement, et là-dessus vous êtes particulièrement silencieux.
Les infrastructures de transports collectifs dépendent aussi des actions menées par la population. Le tracé de la ligne A qui va de Échirolles à Fontaine en traversant des quartiers populaires n’allait pas de soi, l’accessibilité du tramway pour les personnes à mobilité réduite a été le résultat d’une lutte forte menée entre 1978 et 1984. S’il y a un jour la gratuité et le développement des transports collectifs, cela sera aussi dû aux actions menées depuis des années par de nombreuses organisations dont notre collectif. Il y a aussi régulièrement des luttes de collectifs pour obtenir de nouvelles infrastructures de transport, dont celui de l’Etoile de Veyne. Si on suit votre raisonnement, la réouverture de la ligne Grenoble Gap est une mauvaise nouvelle car facilitant les déplacements. Nous pensons de notre côté que le maintien de cette ligne est une belle victoire.
Il y a une urgence à sortir de la voiture comme mode de transports dominant. Il y a 350 000 voitures qui rentrent et qui sortent chaque jour de l’agglomération grenobloise. A côté de cela, Il y a aussi des dizaines de milliers de personnes qui ont du mal à se déplacer, car avec des revenus très faibles ou faute de transports collectifs accessibles. Comment permettre à tout le monde de se déplacer dans de bonnes conditions ? Si on ne développe pas les transports publics avec la gratuité ou des tarifs très bas, que fait-on ? On laisse les gens avec leurs problèmes ? On leur demande de s’en aller ? Si le RER est une fausse solution, quelles propositions mettez-vous en débat ?
Il est important de se poser la question de la forme concrète que va prendre le futur RER. Comment réduire le besoin de déplacements, favoriser des services publics de proximité avec un accueil de qualité ? Quel développement économique pour les villes moyennes ? Cela devrait être discutée largement, avec les habitants, les usagers, les cheminots, … Un réseau permettant le maillage raccordant différents réseaux ferroviaires ou un réseau en étoile centré sur l’agglomération, ce n’est pas la même organisation du territoire et ce n’est pas au service de la même politique. Par exemple, on peut se poser la question d’un RER qui aille jusqu’à Chambéry, raccorde Saint Marcellin à Romans, avec la création d’une ligne nouvelle entre Rives et Bourgoin Jallieu. Les cheminots mènent régulièrement des actions pour défendre les gares, empêcher leur fermeture ou l’absence de personnel. Cela fait sens de les soutenir dans ces luttes. Les gares peuvent contribuer à revitaliser des territoires et devenir des lieux de vie, avec à proximité des services publics locaux et une desserte locale avec des transports collectifs.
Pour conclure, la question des transports collectifs mérite mieux que des affirmations à l’emporte-pièce. Notre collectif essaie de son côté de construire des argumentaires et de mobiliser le plus largement possible pour se transporter mieux, en conciliant bien-vivre et respect de la planète.
Le collectif pour la gratuité des transports publics de l’agglomération grenobloise