Dans le cadre du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART) réuni le le 26 mars, le SMTC a présenté sa politique tarifaire « dite solidaire ». Le collectif a saisi cette occasion pour interpeller les élus.
Mesdames, Messieurs les membres du Comité Syndical,
Nous saisissons l’occasion d’une réunion du Comité Syndical du SMTC, dont l’ordre du jour contient un bilan ainsi que des discussions autour de la tarification solidaire, pour porter à votre connaissance nos réflexions à propos de la gratuité des transports publics dans notre agglomération.
Tarification solidaire
Si cette idée part du principe qu’il faut aider les plus démunis, son application trouve vite des limites. En effet aujourd’hui le plafond de quotient familial déclenchant cette tarification est de 640 euros ce qui correspond à un revenu mensuel maximum de 1920 euros, prestations comprises, pour une famille de quatre personnes. À partir de 1921 euros de revenus une famille de quatre personnes devra débourser entre 134 et 154 euros par mois, ce qui, vous en conviendrez, représente une part importante du budget. Cela met les familles en limite de pauvreté à égalité avec le cadre supérieur. Voilà une solidarité qui n’a pas beaucoup à voir avec de la cohésion sociale.
Pour y remédier il faudrait un profond changement dans les grilles tarifaires pour augmenter significativement le nombre de bénéficiaires, mais du coup les usagers payant plein tarif seraient aussi les seuls à participer au financement par le biais de l’impôt. La solution pour sortir de ce dilemme serait la gratuité pour tous selon le principe où chacun contribue selon ses moyens à un droit universel. Une façon également de légitimer l’impôt, à rebours du démagogique « ras-le-bol fiscal ».
Les enjeux du report modal
Bien évidemment la question de la tarification est un paramètre essentiel pour franchir une étape supplémentaire dans le report modal. Favoriser les déplacements en transports en commun en lieu et place de la voiture individuelle exige des mesures d’ampleur à la hauteur des enjeux environnementaux, sanitaires et économiques.
Vous le savez, notre agglomération est l’une des plus embouteillées de France et l’une des plus polluées. Les infrastructures routières ne suivent pas la croissance des flux et la pollution a des effets dramatiques sur la santé de la population. De plus le niveau de pollution s’aggrave année après année. L’épisode de pollution que nous venons de subir est là pour nous le rappeler et les protocoles en place montrent leur totale inefficacité pour éviter ces situations extrêmes. À cela il faut ajouter le problème du changement climatique engendré par les émissions de gaz à effet de serre et dû en particulier au secteur des transports.
Réduire la circulation automobile est donc une nécessité et le développement des transports en commun fait partie de la solution, même si elle n’est pas toute la solution. Nous sommes conscients que les problèmes environnementaux ont plusieurs origines : l’industrie, l’agriculture, le chauffage domestique, les transports. Il faut ajouter les conséquences en termes de déplacements du choix politique de constituer une métropole et des pôles de compétitivité, c’est à dire de concentrer les activités économiques et sociales (recherche, industrie, services publics) sur un territoire restreint. L’année 2015 sera très importante pour l’environnement avec la conférence de Paris sur le climat. Il est de la responsabilité de tous les acteurs politiques de prendre la mesure de l’évènement et donc de tout faire, au niveau où ils se trouvent, pour adopter les changements nécessaires. La loi sur la transition énergétique n’ayant malheureusement pris aucune disposition concernant les transports, il est donc nécessaire qu’au niveau local les élus relèvent le défi.
Le financement
Nous le savons, la première idée qui vient à l’esprit est la question du financement. Mais l’idée de la gratuité est-elle déraisonnable si on admet que cela représente 5/10000 du PIB de l’Isère soit environ 1/1000 de celui de l’agglomération ? Le débat est donc plus politique qu’économique. Il est vrai que le taux du versement transport payé par les entreprises est au maximum (2% de la masse salariale) mais il est faux de dire qu’il n’y a pas d’autres financements que l’impôt. En effet la loi oblige les entreprises à prendre en charge au minimum 50% du coût des abonnements des transports publics de leurs salariés. Beaucoup d’entreprises vont même au-delà (80% à STMicroelectronics, 85% au CEA). Il y a ici une source de financement très importante qu’il ne faudrait pas négliger. D’ailleurs la Chambre de Commerce et d’Industrie de Grenoble mène campagne auprès des entreprises pour qu’elles mettent en place des Plan de Déplacement (PDE) qui sont très efficaces pour le report modal. 350 entreprises ou administrations l’ont déjà fait. Ainsi pour la CCI le PDE permet (entre autres) :
- Pour le salarié : « de réduire les frais occasionnés par les déplacements domicile/travail ; de diminuer le stress et la perte de temps par un plus grand confort des déplacements ; d’accéder à son lieu de travail sans être tributaire des conditions de circulation. »
- Pour l’entreprise : « de diminuer et d’optimiser l’ensemble des coûts liés aux transports et donc les charges inhérentes aux déplacements et au stationnement ; d’anticiper une réglementation des déplacements promise au durcissement et susceptible d’affecter le bon fonctionnement de l’entreprise. »
Ainsi il est intéressant de noter que même pour la CCI, il ne peut y avoir de statu quo. La CCI anticipe les contraintes environnementales et les limites de la fuite en avant dans les infrastructures routières.
Dans le cadre de la gratuité, il faudrait négocier avec le patronat pour pérenniser et développer cette source de financement comme cela a été fait en Ile de France pour l’instauration de la zone unique.
Commençons par là et supprimons les coûts liés à la billettique et on verra si c’est suffisant ou pas. Par ailleurs il y a d’autres sources d’économies.
La gratuité fait partie de la réponse aux problèmes sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux :
- c’est un moyen de réduire les embouteillages, donc des économies d’infrastructures routières ;
- c’est moins de pollution donc moins de cancers, moins de maladies respiratoires, donc des économies de soins ;
- c’est moins d’émissions de GES, donc moins de catastrophes climatiques, y compris en Isère ;
- c’est un droit aux déplacements, donc c’est plus de liberté et plus d’égalité ;
- c’est plus de pouvoir d’achat pour les familles ;
- au final c’est bon pour l’économie.
C’est un système vertueux qu’il est urgent de mettre en place.